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Hybridation: construire des ponts entre les générations, les secteurs, les lieux ou encore les usage


Courts extraits de l'interview de Gabrielle Halpern par Stéphane Brunerie, publiée dans Stripfood, le 11 mai 2021


Votre livre, « Tous centaures ! Eloge de l'hybridation » est un véritable hymne à l’hybridation. Pouvez-vous nous définir le terme ?


Mon livre est une invitation à nous réconcilier avec la réalité, grâce à cette pensée de l’hybride. L’hybride, c’est ce qui est hétéroclite, contradictoire, mélangé, insaisissable ; c’est tout ce qui n’entre pas dans nos cases.L’hybridation, c’est le mariage improbable, c’est-à-dire la rencontre entre des choses, des gens, des métiers, des idées, des mondes radicalement différents. Pour qu’une rencontre ait lieu, pour que l’hybridation se fasse vraiment, il ne faut pas seulement les juxtaposer, il faut travailler à leur métamorphose réciproque pour donner lieu à une tierce-chose, un tiers-personnage, un tiers-métier, un tiers-service, un tiers-usage, un tiers-monde.


Les cuisiniers connaissent cela par cœur, car c’est précisément ce qui est à l’œuvre dans la préparation culinaire : comment cuisiner ensemble des ingrédients, sans qu’ils perdent leur goût ou sans que la saveur de l’un prenne le pas sur celle de l’autre ? L’art du cuisinier, à mon sens, est de réussir cette hybridation qui permettra à tous les aliments de « s’augmenter » les uns les autres.


Autrement dit, ce que j’entends par « hybridation » n’a absolument rien à voir avec la triste banalisation de ce terme, actuellement utilisé pour désigner une réunion, une formation ou un événement, en présentiel ou en distanciel ! L’hybridation, vous l’aurez compris, c’est mille fois plus riche que cela !


En quoi ce mouvement peut-être une formidable opportunité pour notre société et comment s’en emparer individuellement ?

Si l’on part du principe qu’une gare est une gare ou qu’un musée est un musée, on ne sortira jamais des silos ! Mais si l’on est prêt à redéfinir ces vieilles cases, alors nous aurons des expositions de peinture dans les gares, dans la rue, dans les magasins, et il y aura une réelle égalité dans l’accès à la culture. Et si les maisons de retraite étaient aussi des incubateurs de startups ? Et si les restaurants étaient aussi des écoles ou des jardins-potager? C’est seulement si les lieux, les métiers, les équipements, les commerces, s’hybrident en proposant des usages différents, qu’il pourra y avoir une véritable mixité sociale, une vraie solidarité intergénérationnelle, des développements économiques durables, et bien sûr, une relation plus respectueuse avec la nature. A force de ranger les choses, les activités et les individus dans des cases (par exemple, les personnes âgées avec les personnes âgées dans les maisons de retraite), on ne se rend pas compte que l’on provoque des fractures dans la société. Cette tendance à l’hybridation de notre société est donc une extraordinaire opportunité pour chacun d’entre nous, car en brisant nos cases, nous serons enfin capables de construire des ponts au lieu d’édifier artificiellement des murs entre les générations, les secteurs, les lieux ou encore les usages.


Individuellement, on devient centaure, lorsque l’on est prêt à « jeter son ancre le plus loin possible », pour reprendre les mots du philosophe Elias Canetti, vers ce qui semble le plus radicalement différent de soi. De nombreux restaurateurs, par exemple, très courageusement, ont été extraordinairement créatifs depuis le début de la crise sanitaire, en transformant leur restaurant en épicerie, en faisant des partenariats avec des grandes surfaces, en faisant un pas vers la streetfood : on peut aller encore plus loin dans l’hybridation, il y a mille choses à inventer, mille mariages improbables à faire dans le domaine de la restauration, comme dans tous les autres domaines !


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