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Radio RCJ: Est-il plus facile de pardonner ou de demander pardon?

Dernière mise à jour : 17 sept. 2022


Cette chronique est présentée par Gabrielle Halpern chaque mardi dans le journal de 12h sur la Radio RCJ et vous offre un regard philosophique sur l'actualité


J’ai une question ardue à vous poser : est-il plus facile de pardonner ou de demander pardon? Cette question n’est pas aussi facile qu’on le croit, et selon votre âge, selon votre rapport aux autres et à vous-mêmes, selon ce que vous aurez vécu, votre réponse sera radicalement différente.


En posant la question autour de vous, vous remarquerez néanmoins que ceux qui préfèrent pardonner plutôt que de demander pardon sont les plus nombreux. Pourquoi ? Certains évoquent le pouvoir que cela donne, – donc une forme de jouissance à être « le maître du pardon », dans une position de supériorité et à détenir quelque chose dont l’autre a besoin. Beaucoup se justifient par l’amour-propre : demander pardon ? Mais c’est s’humilier ! Seuls ceux qui ont réellement souffert savent combien il est autrement plus difficile et douloureux de pardonner…


Pour sortir de ce dilemme et le porter au-delà de la contradiction, Hannah Arendt nous propose une définition unique du pardon. Elle écrit dans « Condition de l’homme moderne » que « le pardon est la seule réaction qui ne se borne pas à réagir, mais qui agisse de façon nouvelle et inattendue, non conditionnée par l’acte qui l’a provoquée et qui par conséquent libère des conséquences de l’action à la fois à celui qui pardonne et celui qui est pardonné »[1]. Pour Hannah Arendt, le pardon, qu’il s’agisse de le demander ou de le donner, s’apparente à la liberté.


Le pardon casse la logique ; il est ce pas de côté qui brise l’enchaînement des causes, des effets et des conséquences, il est ce petit grain de sable qui emmêle les pinceaux, qui rouille les rouages et qui dément tous les syllogismes, les inductions et les déductions. Le pardon est aux antipodes du raisonnement et c’est précisément parce qu’il tourne le rationnel et ses mécaniques du nécessaire en ridicule qu’il nous permet d’être libres !


Que vous pardonniez ou que vous demandiez pardon, vous sortez de l’esclavage de la logique et de la prison des événements et vous devenez libres ! Le pardon est un exercice à deux voix qui nous rend mutuellement et réciproquement notre liberté. La récompense du pardon est toujours la liberté !


[1] Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne, traduction de Georges Fradier, Calmann-Lévy, Pocket, Agora, 1961 et 1963, p. 307.



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