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Note Fondation Jean Jaurès: "Pour une nouvelle philosophie de l'action territoriale"


Quel est l’avenir des pôles métropolitains et, plus généralement, celui de l’action publique locale ? Pour y répondre, la philosophe Gabrielle Halpern s’est appuyée sur l’exemple du pôle métropolitain européen du Sillon lorrain sous différents angles – comme celui de la gouvernance partagée, des politiques publiques ou encore des enjeux territoriaux – dans cette note réalisée en partenariat avec la collectivité étudiée. Objet territorial par nature hybride, le pôle métropolitain peut être une source d’inspiration pour repenser l’action publique territoriale.


"Dans le paysage des collectivités territoriales, le pôle métropolitain apparaît comme un objet territorial « hybride », regroupant des entités différentes, voire antagonistes, ayant des compétences hétéroclites et chevauchant plusieurs échelons. Par définition, il est dans une situation de l’entre-deux, de la pluri-appartenance et de l’emboîtement d’échelle, qui fait écho aux signaux faibles d’hybridation autour de nous. Or, cette nouvelle combinatoire n’est pas évidente, puisqu’elle remet radicalement en question les règles sur lesquelles notre logique s’est basée et qui a structuré jusqu’à présent l’action territoriale, sa méthode, sa gouvernance, ses projets et son positionnement. En effet, elle reposait jusqu’à présent sur trois principes de la logique aristotélicienne : le principe d’identité, autrement dit A est A ; le principe de non-contradiction, c’est-à-dire que A ne peut pas être non-A ; et enfin, le principe du tiers-exclu (soit A, soit B), autrement dit « de deux choses l’une ». L’action publique, et notamment l’action publique territoriale, a malheureusement fait siens ces principes qui sont de plus en plus inadéquats avec la réalité de plus en plus hybride : la réversibilité des espaces, des usages et des activités, par exemple, dans un contexte de rareté des ressources et des surfaces constructibles disponibles, remet radicalement en question le principe d’identité (une école est une école qui peut devenir autre chose le soir et le week-end, par exemple), les nouveaux équilibres de vies privée et professionnelle remettent en question le principe de non-contradiction, etc. Comment l’action publique territoriale peut-elle s’adapter à des situations d’entre-deux, de pluri-appartenances et d’emboîtements d’échelles de plus en plus nombreuses ? Comment peut-elle sortir de l’impuissance dans laquelle elle se trouve souvent ? Pour reprendre les mots de la philosophe Hannah Arendt, l’action ne serait-elle pas devenue elle aussi « une expérience de privilégiés » ? Pour redonner du sens, de la valeur et de la force à l’action publique locale, il lui faudrait peut-être s’inscrire dans une philosophie de l’hybridation, qui repose sur d’autres principes", Gabrielle Halpern

"Si l’action publique se réduit à « être en réaction » face à des citoyens-consommateurs demandant une solution pour chaque intérêt particulier, elle perdra de sa légitimité, non pas au sens propre, mais au sens figuré, elle passera à côté de l’exercice de ses compétences et elle ne saura assumer la responsabilité qui est la sienne de l’intérêt général. In fine, il n’y aura plus d’action publique à proprement parler. C’est à l’aune de son degré d’imagination à concevoir de nouveaux projets de transport, de développement d’énergies, de services publics pluriels, d’événements fédérateurs que l’action publique devra être jugée. C’est ce positionnement d’« initiateur de commencements » qui permettra aux pôles métropolitains de dépasser les antagonismes identitaires, la juxtaposition des intérêts particuliers ou encore les inégalités territoriales et sociales. Par ailleurs, si le contenu du mandat de chaque élu est territorialisé, la capacité des pôles métropolitains à proposer des politiques publiques communes inédites donnera un sens à leur mandat au-delà de leur territoire d’élection. Si un pôle métropolitain n’est qu’une échelle de gouvernance de plus, alors il n’aura pas d’intérêt, mais s’il est une échelle de création de projets inédits, jugés improbables, son imagination touchera celle des citoyens et réveillera en eux leur capacité à rêver. C’est l’imagination en tant que valeur politique retrouvée qui formera la base d’un sentiment d’appartenance renouvelé de la part des citoyens", Gabrielle Halpern

"Les pôles métropolitains doivent être pensés comme une invitation à appréhender autrement le principe territorial et à le réinventer radicalement. Un territoire n’est plus un espace délimité géographiquement ; il est un écosystème de relations à provoquer, à cultiver, à développer. Demain, on évaluera un territoire selon sa capacité d’hybridation entre les mondes ; demain, on évaluera l’action publique territoriale selon sa capacité à imaginer de nouvelles hybridations possibles entre les mondes, à les mettre en œuvre, à les développer, à les garantir et à les métamorphoser. Cela ouvre la voie à une nouvelle philosophie de l’intervention, de l’action publique locale", Gabrielle Halpern








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