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"L'hybridation est la seule manière d’échapper à la cristallisation, à l’enfermement, à la stérilité!", Gabrielle Halpern - Philosophe

Dernière mise à jour : 18 juil.


La philosophe Gabrielle Halpern* a accordé une interview à l'Observatoire de la compétence métier, afin de lui présenter ses travaux de recherche en philosophie sur l'hybridation.


Quelle est la genèse de vos travaux sur l’hybridation ?


Permettez-moi d’abord de définir ce que j’entends par hybridation[1]. C’est l’idée de faire des mariages improbables, c’est-à-dire de mettre ensemble des générations, des activités, des métiers, des usages, des matériaux, des personnes, des secteurs, des compétences, qui a priori n’ont pas grand-chose à voir ensemble, voire qui peuvent sembler contradictoires, mais qui, réunies, vont donner lieu à quelque chose de nouveau : un tiers-service, un tiers-lieu, un tiers-modèle organisationnel, un tiers-usage, un tiers-matériau, une tierce-économie, un tiers-métier… De nouveaux mondes, en somme !


J’ai senti il y a plus d’une quinzaine d’années de nombreux signaux faibles d’hybridation autour de moi (développement des tiers-lieux, coliving, coworking, transdisciplinarité, entrecroisements entre différents métiers, etc.) laissant penser que l’hybridation allait peut-être devenir la grande tendance du monde qui vient. C’est un magnifique sujet de recherche[2] en philosophie !


Sans compter qu’étant hybride de naissance, d’éducation, de formation (études en philosophie, en théologie, en théorie des organisations et en sciences cognitives) et d’expériences professionnelles (laboratoire de recherche, cabinets ministériels, incubateur de startups, etc.), je connais ce sujet intimement…


Pourquoi avoir choisi la figure du centaure pour parler d’hybridation ?


Mi-humain, mi-cheval, le centaure est une figure hybride par excellence. Dans la mythologie grecque, ce personnage est presque toujours représenté comme un être monstrueux, agressif, qui suscite la peur. Fruit d’un mariage interdit, il porte une forme de transgression ; il n’entre dans aucune case, n’étant ni vraiment humain, ni vraiment cheval, et n’a pas d’identité tout en en ayant trop. Il porte une forme d’imprévisibilité, puisque personne ne peut lui coller une étiquette ! Le centaure symbolise tout notre rapport difficile à l’hybride.


Ainsi en est-il de tous ceux qui n’entrent pas dans les cases, qui ont plusieurs vies, plusieurs formations, plusieurs métiers, plusieurs parcours, plusieurs cultures, plusieurs origines, statuts et identités, et qui sont si souvent incompris, voire rejetés, alors qu’ayant un pied dans plusieurs mondes, ils détiennent les clefs permettant de les faire dialoguer.


Vous vous prononcez pour une société hybride fonctionnant sur le principe d’altérité (fidélité au futur) et non sur le principe d’identité (fidélité au passé), non pas par analogie mais par association d’idées… Sur quels autres principes repose cette société ?


Il y a en chacun de nous une terrible pulsion d’homogénéité qui nous pousse sans cesse à ne nous intéresser qu’à ce que nous connaissons déjà, à ne voir que les gens qui nous ressemblent, etc. Le projet de société que je défends, à travers l’hybridation, est tout simplement une société dans laquelle la curiosité est érigée en valeur cardinale, pour nous faire sortir de nous-mêmes, de notre petit monde, et nous intéresser un peu à l’autre ! L’hybridation est une éthique de la relation à l’autre.


Quelles pourraient être les risques de l’hétérogénéité au sein des entreprises ?


Attention, l’hétérogénéité n’est pas encore l’hybridation… L’hétérogénéité se traduit souvent au sein des organisations par une simple juxtaposition de métiers, de profils, de compétences. Ce qui provoque des limites évidentes ! Si l’on veut créer et cultiver une véritable hybridation, - c’est-à-dire une métamorphose réciproque[3] -, il faut repenser le management, l’organisation du travail et même la division du travail !



@DR La philosophe Gabrielle Halpern invitée à partager ses travaux de recherche aux Rencontres économiques d'Aix-en-Provence


[1] Gabrielle Halpern, Tous centaures ! Eloge de l’hybridation », Le Pommier, 2020.

[2] Gabrielle Halpern, Tous centaures ! Eloge de l’hybridation », Le Pommier, 2020.

[3] Gabrielle Halpern, « La Fable du centaure », Humensciences, 2022 (Bande dessinée illustrée par Didier Petetin).



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*Docteur en philosophie, diplômée de l’École Normale Supérieure, Gabrielle Halpern a travaillé au sein des cabinets du Ministre de l’Économie et des Finances, de la Secrétaire d’État au Commerce, à l'Artisanat, à la Consommation et à l'Economie Sociale et Solidaire, du Secrétaire d’État à la Recherche et à l’Enseignement Supérieur et du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, en tant que « Conseillère Prospective et Discours », avant de co-diriger un incubateur de startups et de conseiller des entreprises et des institutions publiques. Elle s'est spécialisée en sciences-cognitives à l'Ecole Normale Supérieure et possède par ailleurs une formation en théologie. Elle est experte-associée à la Fondation Jean Jaurès et dirige la collection « Hybridations » qu’elle a créée aux Editions de l’Aube. Dès 2021, à 34 ans, elle a fait la Une du journal économique français, L’Opinion, parmi les « intellectuels influenceurs ».

 

Ses travaux de recherche, dont sa thèse de doctorat, portent en particulier sur la notion de l’hybridation, comme moyen de créer des ponts entre les mondes. Elle est l’auteur de l'essai « Tous centaures ! Eloge de l’hybridation » (Le Pommier, 2020) et d’autres ouvrages. Elle explore cette notion d’hybridation dans maints domaines, - que ce soit celui de l’innovation, des ressources humaines, des organisations, de l’écologie, de l’individu, de l’économie, de l’art, de l’industrie, de l’administration, du travail, de l’aménagement territorial, de la science, de l’éducation, de la gouvernance, de la technologie, des politiques publiques, etc.; de la société, au sens large - , et accompagne des entreprises, des associations, des collectivités territoriales, des écoles ou encore des institutions publiques.

 

Gabrielle Halpern, parallèlement à ses travaux de recherche, fait des conférences dans toute la France et à l’international, participe à des colloques et à des événements socio-économiques majeurs et intervient très régulièrement dans les médias.

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