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ITW : « Accepter l’hybridation, c’est reconnaître que l’on est imparfait »

Dernière mise à jour : 23 mai 2022



La philosophe Gabrielle Halpern a accordé une interview à Yaël Hirsch pour le magazine Chema (n°8).


Pouvez-vous nous parler de votre parcours et préciser la place des études juives dans celui-ci?


Docteure en philosophie, chercheuse-associée et diplômée de l’École Normale Supérieure, j’ai travaillé au sein de différents cabinets ministériels, avant d’accompagner des jeunes dans le développement de leur startup. J’accompagne aujourd’hui des entreprises et des institutions publiques, tout en poursuivant activement mes travaux de recherche. Après des études en droit canon à la Faculté catholique, menées parallèlement à mes études de philosophie, je suis partie étudier à la Conservative Yeshivah de Jérusalem, afin d’étudier le Talmud. Un pied dans chaque monde pour essayer de construire progressivement des ponts entre eux – des hybridations – malgré leurs contradictions apparentes et leurs difficultés à dialoguer… (...).


En quoi la figure du centaure est-elle centrale dans votre réflexion ?


Le centaure – figure hybride par excellence – dérange, parce qu’il a un pied dans plusieurs mondes ; il n’a pas d’identité tout en ayant trop d’identités. Il est le fruit d’un mariage improbable, voire interdit et porte une forme de transgression des frontières. Il est intéressant que les Grecs dans l’Antiquité aient choisi d’incarner l’idée d’hybridité dans une figure aussi négative que celle du centaure, presque toujours représentée comme un personnage monstrueux. Le centaure fait peur, parce qu’il ne se laisse enfermer dans aucune case. Il est temps de réécrire le mythe du centaure et de voir au contraire dans cette figure un messager, qui, avec sa flèche, nous indique l’avenir et les moyens de nous réconcilier avec lui !


Si j'ai bien compris, l'hybride est un concept scientifique / épistémologique initialement... Comment en faites-vous un principe d'orientation et de vie?


Accepter l’hybridation, c’est reconnaître que l’on est imparfait, qu’il nous manque sans cesse quelque chose ou quelqu’un et qu’il nous faut faire des efforts pour nous augmenter par de nouvelles connaissances, de nouvelles rencontres, de nouveaux mondes… Elias Canetti, l’un des plus grands intellectuels du XXe siècle, disait que, puisque « la vie est un éternel rétrécissement », il n’y a qu’une seule manière d’y résister, en « jetant son ancre le plus loin possible » vers ce qui est radicalement différent de soi. C’est cela, l’hybridation !

C’est un principe d’orientation que d’apprendre à avoir un pied dans plusieurs mondes pour ne pas se laisser réduire ni enfermer dans le particularisme de l’un d’entre eux. C’est un principe de vie de ne pas craindre d’avoir des identités multiples, mais d’en faire une force, au contraire ! Au-delà de ce principe, je conçois l’hybridation comme une éthique de la relation où il s’agit de sortir de soi, de faire un pas de côté pour faire un pas vers l’autre.


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