Interview croisée entre Annie Genevard, ministre de l'Agriculture, et la philosophe Gabrielle Halpern dans Le Point

Gabrielle Halpern et Annie Genevard dans les jardins du ministère de l'Agriculture, le 8 juin 2025.  © DR

Très sensible aux enjeux du monde agricole et de l'alimentation qu'elle a explorés à travers plusieurs travaux de recherche, la philosophe Gabrielle Halpern a été choisie comme marraine des Journées Nationales de l’Agriculture 2025, organisées par Make.org Foundation et Agridemain, du 6 au 9 juin 2025, dont la thématique cette année était: « Mieux comprendre l’agriculture pour mieux consommer ».

Dans ce cadre, la philosophe Gabrielle Halpern et la ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, ont accordé une interview croisée à la journaliste du magazine Le Point, Géraldine Woessner.

"L’agriculture est le miroir de notre malaise collectif. Elle nous confronte à ce que nous avons désappris : le vivant, le temps long, l’incertitude, le travail physique. Notre société, obsédée par l’instantané et le virtuel, vit dans l’abstraction. L’agriculture, elle, impose la matière, le compromis, le rythme de la nature. Elle dérange parce qu’elle échappe à nos fictions. À force de découper le monde en cases – agriculteurs, consommateurs –nous créons des frontières artificielles. Cette méconnaissance engendre des préjugés et est mère de mépris. Quand des enfants confondent des concombres et des courgettes, c’est le signe d’une société hyperconnectée au virtuel, mais déracinée du réel", Gabrielle Halpern

"C’est tout le sens de mes travaux de recherche ; selon les périodes, on parle de crise sociale, de crise écologique, de crise territoriale, de crise politique, mais la crise, la vraie crise que l’on vit aujourd’hui est plutôt celle de notre rapport à la réalité. Il y a une mise à distance du réel, mais aussi de l’autre. Et cela vient de la façon dont nous pensons. Notre rationalité s’est rigidifiée : on passe nos journées à découper le monde en cases. Métiers manuels contre intellectuels, startuppeurs contre agriculteurs, jeunes contre seniors. On fabrique des frontières absurdes entre les générations, les secteurs, les territoires. Et l'on s'étonne ensuite que notre société soit fracturée… Cette logique est une double faute. Celle du politique, d’abord, qui segmente les politiques publiques en tranches ciblées : les jeunes, les entrepreneurs, les seniors… Mais aussi celle du citoyen, replié sur son identité de consommateur ou de riverain. Jean-Jacques Rousseau disait déjà que nous avons des astronomes, des géomètres, des peintres, mais plus de citoyens. C’est toujours vrai", Gabrielle Halpern

Une philosophe engagée pour un dialogue entre les secteurs, les disciplines et les savoir-faire

Docteure en philosophie et diplômée de l’École Normale Supérieure, Gabrielle Halpern

consacre ses recherches à la notion d’hybridation, explorant comment le croisement des

disciplines et des secteurs permet d’innover et de repenser nos modèles. Un décloisonnement qu’elle estime essentiel pour innover et relever les défis du XXIᵉ siècle. Après avoir travaillé au sein de plusieurs cabinets ministériels et co-dirigé un incubateur de startups, elle accompagne des entreprises et des institutions publiques dans leur réflexion sur l’évolution de nos sociétés.

Pour lire l'interview en intégralité: https://www.lepoint.fr/societe/ce-n-est-pas-l-agriculture-qui-est-en-crise-c-est-la-societe-qui-ne-veut-plus-la-voir-15-06-2025-2592045_23.php

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