"Il est temps de renouveler le souffle de l'école" - Conférence de la philosophe Gabrielle Halpern, à Lourdes, auprès du Réseau Assomption France
- gabriellehalpern
- 24 nov.
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Dernière mise à jour : 26 nov.

La philosophe Gabrielle Halpern a tenu une conférence auprès du réseau Assomption France et de ses établissements scolaires. S'appuyant sur la Bible, ainsi que sur ses études approfondies en philosophie et en théologie, elle a partagé avec eux sa vision de l'enseignement et de l'éducation, à l'ère de l'intelligence artificielle. Cela a été l'occasion pour elle de partager avec les chefs d'établissements sa philosophie de l'hybridation et ses implications pour repenser l'école, en écho avec le "Village de l'éducation" proposé par le Pape François et le Pacte éducatif global.

""Vous êtes le sel de la terre ; si vous perdez votre saveur, comment redeviendrez-vous des Hommes ?", demande Jésus dans les Évangiles. Alors que le XXIe siècle s’accélère, il est bon de s’interroger de nouveau sur la signification de ces mots. L'intelligence artificielle ne vient-elle pas interroger notre humanité ? En choisissant ce que nous allons lui déléguer ou non, soyons attentifs à ne pas lui déléguer des choses qui peuvent nous sembler anodines, mais qui pourraient bien constituer le sel de notre humanité", Gabrielle Halpern
"Marignan 1515! Combien sommes-nous à avoir appris par cœur la date de cette bataille, durant nos jeunes années scolaires, pour avoir une bonne note à notre interrogation en Histoire ? Cette date ne nous sert plus à grand-chose aujourd’hui, alors que nous sommes devenus adultes, et elle est remisée dans un petit tiroir de notre mémoire, devant sa longévité à la facilité mnémotechnique de la répétition du 15 de 1515! Depuis 1515, de l’eau a coulé sous les ponts; beaucoup de sang aussi et l’actualité réveille chaque jour cette même question: nous avons été de bons élèves, mais à quoi cela nous a-t-il servi? Sommes-nous de bons citoyens? Le philosophe Jean-Jacques Rousseau, en son temps déjà, dénonçait cette éducation de singe savant que nous dispensons à la jeunesse dans les écoles, que « l’on élève à grands frais pour lui apprendre toutes choses, excepté ses devoirs », que sont « la magnanimité, la tempérance, l’humanité, le courage ». Les siècles passés ont malheureusement été l’expérimentation et la preuve de la vanité de l’érudition ; la culture, l’éducation n’ont pas permis d’empêcher la barbarie, ce qui signifie qu’un esprit cultivé et éduqué ne suffit pas. Il faut que les esprits cultivés soient aussi courageux et bons", Gabrielle Halpern.
"Nous touchons là le cœur du sujet: le savoir pour le savoir est absurde, le savoir « parce que c’est au programme » est absurde! Nous avons tant séparé le savoir de son sens que nous l’avons fait tomber dans l’absurdité. A quoi cela sert-il de faire des dictées depuis des décennies pour enseigner la grammaire et l’orthographe aux enfants quand ces feuilles de papier noircies terminent leur vie à la poubelle à la fin de l’année? Cela ne donnerait-il pas du sens à la grammaire et à l’orthographe de faire écrire des lettres aux écoliers pour les personnes âgées de la maison de retraite située en face de l’école? (…). La bonne nouvelle est que le développement de l’intelligence artificielle générative va nous contraindre à repenser le but de nos apprentissages, le sens de nos savoirs, l’utilité de notre érudition. Puisque nos outils technologiques, puisque Chat GPT, Le Chat, Deepseek, Copilot et tous les autres sauront bientôt tout, allons-nous enfin avoir le courage et la bonté d’être des citoyens?", Gabrielle Halpern
"Nous avons beau développer toutes les technologies les plus sophistiquées, il demeure une question essentielle, fondamentale, intangible; celle de la relation à l'autre. Celle de la juste relation à l'autre. Et c'est bien tout le sens de la philosophie de l'hybridation que je forge jour après jour: comment penser une nouvelle éthique de la relation à l'Autre?", Gabrielle Halpern
"L’intelligence artificielle générative met un coup de projecteur sur nos faillites, nos contradictions, nos absurdités. En jouant le rôle de notre « mauvaise conscience », elle nous remet en question radicalement. En nous donnant une leçon d’humilité, mais aussi de tolérance, d’écoute, d’attention, de gentillesse, de patience, l’intelligence artificielle nous aidera peut-être, si nous en avons le courage, à retrouver et à assumer notre humanité", Gabrielle Halpern
"S’il y avait peut-être un seul verset à retenir de la Bible, ce serait celui-ci : "choisis la vie !" (Deutéronome 30 :19). Envers et contre tout, choisis la vie. Face à l’instabilité du monde, face à nos misères, nos chagrins et nos aveuglements, face à nos petites médiocrités, c’est ce "choisis la vie" fondamental qui constitue toute notre humanité et qui nous sauvera"…, Gabrielle Halpern
"Changer le monde, - ou du moins, le réparer -, ne repose pas sur les épaules de quelques-uns et c’est précisément parce que cette responsabilité incombe à tous qu’il nous faut nous lier les uns les autres pour y parvenir. Alors que l’on entend toute la journée des discours emplis d’emphase pour des métiers à la mode comme celui de data scientists, il se pourrait bien que le vrai grand métier, LE métier qui devienne stratégique dans les années à venir ,soit celui de… directeur des partenariats ! La capacité d’une entreprise, d’une association, d’une administration publique, d’une école, d’une maison de retraite, d’un restaurant, d’un théâtre, d’un hôpital ou encore d’une collectivité territoriale à se concevoir comme un écosystème responsable de la création et de la culture d’un véritable maillage territorial, culturel, social, professionnel, éducatif, sectoriel, intergénérationnel va devenir cruciale dans les années qui viennent. Demain, ce qui fera la force d’une école sera notamment sa capacité à construire et à entraîner avec elle tout un écosystème de partenaires! Tant que chaque acteur restera enfermé dans sa case, il n’y aura pas de réparation du monde. Tant que chaque acteur de la Cité n’assumera pas sa responsabilité partenariale, il n’y aura pas de contrat social. Demain, on évaluera une entreprise, une association, une école, un hôtel, une usine ou encore un restaurant par rapport à sa capacité à jouer un rôle de point de repère pour son territoire, à créer des ponts entre les mondes, à cultiver des maillages et des écosystèmes ; autrement dit, par rapport à sa capacité à « hybrider »[1] et à « s’hybrider », Gabrielle Halpern
[1] Gabrielle Halpern, « Tous centaures ! Eloge de l’hybridation », Le Pommier, 2020.

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