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Tribune Décideurs Magazine: "Python au Pays de Socrate"


Crédits Photo de Gabrielle Halpern, qui a appris à coder en langage Python, lors du premier confinement!


Cette tribune de Gabrielle HALPERN a été publiée par Décideurs Magazine le 17 janvier 2022


Une très récente polémique concernant un candidat à l’élection présidentielle a vu s’opposer les tenants de l’apprentissage à l’école du latin et du grec ancien à ceux de l’apprentissage du langage informatique, Python. Cette querelle ressemble beaucoup à celle des Anciens et des Modernes des siècles passés, donnant l’illusion que les uns sont les gardiens du passé, tandis que les autres sont les détenteurs de l’avenir. Le grec ancien ou Python ? Mais cette question est absurde ! Cette question est même stupide, puisqu’elle laisse entendre une forme d’exclusion : c’est le grec ancien OU Python !


Là encore, la réponse est dans l’hybridation ! Ce n’est pas ou le grec ancien ou Python, mais Et le grec ancien ET Python !


Il ne s’agit pas pour les enfants de lire et écrire parfaitement le grec ancien ni de devenir des développeurs informatiques chevronnés, il s’agit pour eux d’une part de comprendre une langue ancienne et le monde enfoui auquel elle appartenait, avec sa culture, sa délicatesse, son histoire, sa construction, sa structure, sa grammaire, son orthographe, ses échos, ses auteurs, ses formules, sa vision du monde. Se plonger dans le grec ancien, c’est aussi mieux comprendre notre monde actuel… Jacqueline de Romilly expliquait que : « de la langue grecque, il faut dire qu’elle est magnifique, mais que l’on ne peut pas immédiatement en comprendre les merveilles. Son apprentissage oblige à lire lentement, à ne pas deviner, à voir comment les éléments se combinent et, par conséquent, à faire marcher son intelligence au lieu de ses automatismes". La connaissance du grec ancien et du latin crée une complicité avec le langage et cultive une belle connivence avec les mots, puisque l’on connaît leur étymologie. Ces langues anciennes nous racontent l’histoire des mots et nous inclinent à faire un choix en connaissance de cause lorsque nous nous exprimons.


D’autre part, et d’une manière différente, Python et d’autres langages informatiques nous disent beaucoup de notre monde actuel, de sa structure, de notre rapport à la réalité, de notre capacité à accueillir l’imprévisible, de notre besoin de légiférer, de trier, de classer, de ranger, de programmer. Le langage informatique, dans la manière dont il informe la réalité, est plus qu’un langage. Il est une vision du monde, un système philosophique, et ce que l’on appelle en épistémologie, une théorie de la connaissance du monde. Ne pas connaître ce langage, ne pas comprendre sa mécanique, est un manque important dans une société où les technologies qui nous entourent se démultiplient. De la même manière que dans l’Antiquité grecque, le logos a été inventé pour structurer notre connaissance de l’univers, il est essentiel de continuer à savoir comment fonctionnent les machines avec lesquelles nous cohabitons.


Nous avons besoin ET du grec et du latin ET de Python et des autres langages informatiques, même si la nature et le degré de ces besoins sont différents. Tout est intéressant ; rien ne mérite d’être méprisé. Le vrai combat aujourd’hui n’est pas dans la polémique stérile d’un choix d’apprentissage, mais dans la possibilité pour tous les enfants, sans exception, d’avoir accès à toutes ses langues.

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