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Radio RCJ: Être un aidant


Cette chronique est présentée par Gabrielle Halpern chaque mardi dans le journal de 12h sur la Radio RCJ et vous offre un regard philosophique sur l'actualité.


La présidente directrice générale de la RATP a annoncé il y a quelques semaines qu’elle quittait ses fonctions, afin de s’occuper de ses parents et de devenir ce que l’on appelle une « aidante ». Ce fait mérite toute notre attention, car il pose beaucoup de questions. De nombreux Français s’occupent de leurs proches dépendants, parallèlement à leur travail ; cela crée des situations extrêmement difficiles.


Il est soit dit en passant intéressant de constater qu’en étudiant de près la littérature, la mythologie, les légendes ou même la Bible, il n’y a pas vraiment de figure positive de l’aidant… Le héros est celui qui va toujours chercher les exploits à l’extérieur ; il va sauver la veuve et l’orphelin, mais ce n’est jamais chez lui qu’il réalise ses exploits, c’est toujours à l’extérieur que l’on devient un héros ! Or, l’aidant est le « héros domestique, le héros à la maison ». Il est temps de nous construire des figures positives d’aidants.


Quel rôle l’État doit-il jouer dans ce fait de société ? Quel rôle l’entreprise peut-elle assumer face à cette question ? Comment une question individuelle devient-elle une responsabilité collective? Alors que de plus en plus d’entreprises revendiquent un « rôle sociétal », la question des aidants ne peut plus être ignorée et il est intéressant de constater les initiatives des entreprises en la matière. Certaines ont mis en place des guichets ou des plateformes d’information pour leurs salariés aidants, une flexibilité dans les horaires de travail, des autorisations spéciales d’absence, un fonds de solidarité, une possibilité de don de jours de congés entre salariés ou encore des facilités à aller dans des centres de vacances médicalisées pour aidants et aidés. Quelques études indiquent que ces mesures ont un impact positif pour l’entreprise elle-même, puisqu’elles réduiraient le taux d’absentéisme, accroîtraient la productivité et l’efficacité au travail, amélioreraient l’attractivité de l’entreprise ou encore réduiraient le taux de turn-over. De nombreux autres dispositifs restent à inventer, mais force est de constater que l’aide aux aidants n’est pas seulement utile aux aidants, mais fait également avancer l’entreprise en la poussant à se remettre en question. Dans cette mesure, nous pouvons parler d’une véritable hybridation entre la société et l’entreprise, c’est-à-dire d’une « métamorphose réciproque »[1].


Notre monde est en train de changer, notre société est en train de changer. Alors que depuis des siècles, nous avions bâti nos vies sur les sacrifices, les renoncements, et donc sur l’amertume, les remords et les regrets, nous entrons peut-être dans une ère de refus du sacrifice, qui nous conduit à développer un art de la conciliation, de la réconciliation… un art de l’hybridation[2] !

[1] Gabrielle Halpern, « Tous centaures ! Eloge de l’hybridation », Le Pommier, 2020. [2] Gabrielle Halpern, Penser l’hybride, Thèse de doctorat en philosophie, 2019.


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