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Radio RCJ: Les soubassements du harcèlement scolaire


Cette chronique est présentée par Gabrielle Halpern chaque mardi dans le journal de 12h sur la Radio RCJ et vous offre un regard philosophique sur l'actualité.


Ces derniers mois, l’actualité a débordé d’informations touchant au phénomène de violence à l’école entre les jeunes. Pourquoi une telle violence ? Qu’il s’agisse d’agressions et de racket, d’affrontements entre bandes rivales, de harcèlement scolaire ou de harcèlement sur les réseaux sociaux, il semble que l’on retrouve systématiquement le même schéma, la même cause, le même aiguillon : l’effet de groupe. L’effet de groupe, qui se met à agir en meute.


Dans son ouvrage, Masse et Puissance, l’un des plus grands penseurs européens du XXe siècle, Elias Canetti nous explique que l’être humain redoute le contact de l’inconnu plus que tout au monde, et que toutes les distances, tous les comportements qu’il adopte, sont dictés par cette phobie du contact. C’est dans la masse seulement que l’être humain a l’impression qu’il peut être libéré de cette phobie. Au sein du groupe, il se produit un moment où tous les membres « se défont de leurs différences et se sentent égaux ». Canetti prend l’image du feu pour illustrer ce processus : « ce qui était distinct, le feu le réunit en un rien de temps. Les objets isolés et divers vont tous se perdre dans les mêmes flammes. Ils deviennent si bien identiques qu’ils disparaissent : maisons, êtres vivants, tout est saisi par le feu ». Lorsque nous faisons masse, nous acquerrons une puissance inégalable face à ce qui nous environne, face à ceux qui nous environnent, et en échange, nous nous défaisons de notre singularité. Les jeunes commettent toujours ces violences à plusieurs ; le collectif leur donnant un sentiment d’invincibilité. La violence devient incommensurable, parce que le sentiment de puissance l’est. Puisque le collectif tire sa puissance, sa légitimité de l’uniformisation qu’il commet au sein de ses membres, il se construit par définition sur le rejet de tout ce qui pourrait remettre en cause cette homogénéité. C’est la raison pour laquelle l’altérité, la différence, la singularité irréductibles excitent une violence inouïe de meute. Ces collectifs construits sur la haine de la singularité et de la différence sont beaucoup plus nombreux qu’on le croit, - on les retrouve à l’âge adulte également -, et il faudra leur opposer l’éthique de la relation à l’autre. Dans un groupe, la responsabilité se dilue ; mais dans une relation à deux, chacun est responsable de l’autre[1].

[1] Gabrielle Halpern « Tous centaures ! Eloge de l’hybridation », Le Pommier, 2020.


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