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Radio RCJ: Je doute, donc je suis ?


Cette chronique est présentée par Gabrielle Halpern chaque mardi dans le journal de 12h sur la Radio RCJ et vous offre un regard philosophique sur l'actualité.


Depuis que la covid-19 a surgi dans nos vies, il est extrêmement difficile d’avoir une vue et un jugement clairs sur ce virus. Les circonstances de son apparition ne sont pas forcément très évidentes, les conséquences qu’il peut avoir sur l’organisme ne sont pas complètement élucidées, sans parler des causes de sa transmission qui font encore l’objet de débats contradictoires entre les chercheurs. Par ailleurs, il y a eu dans certaines prises de paroles publiques, - en France, comme à l’étranger -, des déclarations propres à instiller une forme de doute sur le virus, sa transmission, sa dangerosité, sa contagiosité, les masques, etc.


Avec la covid-19, nous sommes entrés dans une ère de complète incertitude, qui nous fait naviguer entre l’opinion, la croyance et le savoir.


Opinion, Croyance, Savoir… Quelle est la nuance entre ces trois mots ? Le philosophe allemand Emmanuel Kant y a réfléchi longuement pour nous et voici le résultat : « L’opinion est une créance consciente d’être insuffisante subjectivement tout autant qu’objectivement. Si la créance n’est suffisante que subjectivement et est en même temps tenue pour objectivement insuffisante, elle s’appelle croyance. Enfin, la créance qui est suffisante aussi bien subjectivement qu’objectivement s’appelle le savoir »[1]. Bon, j’ai bien conscience de la difficulté à digérer du Kant entre midi et deux.


Ce qui est intéressant dans ce qu’il dit, c’est que si l’on n’est sûr de ce que l’on avance ni subjectivement ni objectivement, il n’y a pas de savoir. Or, nous en sommes encore loin, s’agissant de la covid-19, et les doutes demeurent.


En philosophie, lorsque l’on réfléchit sur le doute, on pense immédiatement à René Descartes, philosophe du doute par excellence. Ce dernier nous en a pourtant légué une conception positive : le doute est une méthode, une manière d’aborder le monde et les connaissances, en dehors de tout dogmatisme. Il faut douter de tout, non par scepticisme bûté, mais par nécessité de ne pas se laisser tromper par ses sens, par les informations non vérifiées. Il écrit dans le « Discours de la méthode » : « je tâche toujours de pencher vers le côté de la défiance, plutôt que vers celui de la présomption ». Dans le contexte qui était le sien, il avait raison.


Aujourd’hui, nous pourrions dire qu’il faut apprendre à douter de tout, même du doute lui-même!


[1] Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, 3e édition corrigée, Flammarion, 2006 (Aubier, Paris, 1997), traduction par Alain Renaut, p.668.



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