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Radio RCJ: Augmentons-nous les uns les autres!


Cette chronique est présentée par Gabrielle Halpern chaque mardi dans le journal de 12h sur la Radio RCJ et vous offre un regard philosophique sur l'actualité


Aujourd’hui, j’aimerais partager avec vous une phrase sur laquelle je suis littéralement tombée et qui fait beaucoup réfléchir. C’est une phrase qui se trouve dans le livre « L’immortel Bartfuss », de l’écrivain Aharon Appelfeld.


Parlant de l’un de ses amis, dont il apprend la disparition, le narrateur dit : « A sa mort, j’ai rétréci » !


« A sa mort, j’ai rétréci »… Cette phrase, on ne l’oublie jamais ! Que peut-on en dire ? Que peut-on en penser ? D’abord, on pense immédiatement à deux choses : d’une part, l’absence, la perte, la disparition d’une personne que l’on aime fait rétrécir, diminue, amenuise ; d’autre part, la présence de celle ou celui que l’on aime, lorsqu’il est auprès de nous, agrandit !


Il n’y a peut-être pas de plus belle définition de l’amitié ou de l’amour que celle-là : une relation qui nous conduit loin de nos petitesses, hors de nos retranchements et de nos prisons, un échange qui nous donne le sentiment d’être un tout petit peu moins minuscule face à l’immensité du monde.


Parce que l’amour et l’amitié vrais mettent de côté notre identité pour nous plonger dans l’altérité, ils nous agrandissent. Alors qu’advient-il quand l’autre n’est plus là ? Aharon Appelfeld nous invite à définir tout autrement la démarche du « deuil ».


Le deuil, - le « travail de deuil », comme on dit -, cela devrait précisément être la lutte contre le rétrécissement. Le deuil, cela devrait être la culture de cette grandeur que l’autre nous offrait. Ne pas se laisser rétrécir par la mort de ceux que l’on a aimés. Le premier devoir envers eux est de demeurer grand, de ne pas revenir dans notre identité amenuisante, de garder en nous le goût acidulé de leur altérité.


Garder le souvenir de ces voyages en-dehors de nous-mêmes, de ces conversations qui nous expédiaient loin de notre esclavage intérieur, garder le souvenir de ces regards et de ces éclats de rires, qui nous donnaient l’impression que nos frontières personnelles n’étaient pas fixées pour toujours, mais qu’elles pouvaient, au contraire, éclater et nous rendre libres !


L’homme augmenté est celui qui aime, celui qui a aimé, qui a accepté les métamorphoses auxquelles l’amitié ou l’amour l’avaient invité et qui continue, par-delà la disparition et l’absence, à les incarner. Ne laissons pas la mort de ceux que nous aimons nous rétrécir.



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