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Radio RCJ: Accepter les creux, les longueurs et le superflu…


Cette chronique est présentée par Gabrielle Halpern chaque mardi dans le journal de 12h sur la Radio RCJ et vous offre un regard philosophique sur l'actualité.


Chacun d’entre nous a déjà connu des périodes de sa vie peu intéressantes ; des périodes ennuyeuses, qui traînent en longueur et dont on se demande le sens, ou du moins l’utilité qu’elles ont. La vie étant si courte, pourquoi accepter des creux, des vides, des lourdeurs ? Chaque seconde ne devrait-elle pas être pleine de sens ? Chaque minute ne devrait-elle pas être riche de mille choses ? Nos heures ne devraient-elles pas être pleines ? Nous, mortels et nous sachant tels, avons si peu de temps à perdre ! C’est là que les mots du mathématicien et philosophe Bertrand Russell tombent à pic !


« Tous les grands livres contiennent des passages ennuyeux et toutes les grandes vies ont contenu des périodes peu intéressantes. Imaginez un éditeur américain de nos jours à qui on aurait apporté pour la première fois un nouveau manuscrit de l'Ancien Testament dans l'intention de le publier. Il n'est pas difficile de deviner quels auraient été ses commentaires, par exemple, au sujet des généalogies. "Cher Monsieur, dirait-il, ce chapitre manque de fougue; vous ne pouvez exiger que votre lecteur manifeste de l'intérêt pour une simple enfilade de noms propres de personnes dont vous donnez si peu de détails. Je reconnais que vous avez commencé votre histoire dans un beau style, et au début j'étais très favorablement impressionné, mais vous péchez réellement par le désir de tout dire. Sélectionnez les passages hauts en couleur, enlevez ce qui est superflu et rapportez-moi votre manuscrit lorsque vous l'aurez réduit à une longueur raisonnable". C'est ainsi que parlerait un éditeur moderne connaissant la crainte qu'ont ses lecteurs de s'ennuyer ».


Revenons sur ces mots merveilleux : « Tous les grands livres contiennent des passages ennuyeux et toutes les grandes vies ont contenu des périodes peu intéressantes »… Oui ! Einstein, Moïse, Newton, Aristote, Marie Curie et tous les autres ont connu des passages ennuyeux dans leur vie, des moments sans fougue, des périodes d’errance, du superflu et de l’inutile ! Mais ce superflu n’a-t-il pas constitué une respiration dans leur vie, une possibilité de ralentissement, qui donnent du sel à tout le reste ? Lorsque nous lisons des livres, les passages longs et ennuyeux que nous traversons ne sont-ils pas ceux qui nous font mériter les petits paragraphes de bonheur ? Même si la tentation en est grande, n’enlevons pas le superflu…


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