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"Elias Canetti, un maître à penser" - Note de prospective et d'hommage publiée par Gabrielle Halpern


La Fondation Jean Jaurès a publié une note de prospective écrite par la philosophe Gabrielle Halpern et qui est consacrée à Elias Canetti à qui elle rend hommage, étant donné l'influence majeure que ce grand intellectuel du XXe siècle a eu sur ses travaux de recherche en philosophie sur l'hybridation. Dans cette note, elle revient sur les points saillants de l'oeuvre d'Elias Canetti et analyse leur justesse par rapport au monde contemporain. Visionnaire, Elias Canetti a su entrevoir des sujets qui non seulement nous touchent encore aujourd'hui, mais qui pourraient bien continuer à être de vrais défis pour demain.


"Elias Canetti, - je le cite souvent, parce qu’il est l’un de mes maîtres à penser et qu’il mérite tant d’être mieux connu et reconnu de tous -, a énormément écrit sur le sujet des métamorphoses : « bien peu se rendent compte qu’ils lui doivent le meilleur de ce qu’ils sont ». Nos identités nous cristallisent, nous immobilisent, nous enferment. Elles sont à la fois le fruit de notre regard sur nous-mêmes et celui des autres sur nous-mêmes. A l’inverse, la métamorphose est la seule issue possible permettant d’échapper à l’immobilisme, à la puissance et au regard de l’autre et de se remettre en mouvement. Dans sa volonté de remettre la métamorphose au cœur de l’être humain, Canetti veut aussi lui rappeler sa proximité avec les autres animaux, puisque tous les vivants ont en partage ce formidable pouvoir. Pour reprendre les mots du professeur en études germaniques, Olivier Agard, la métamorphose est définie comme « une disposition spontanée de l’homme, une expression de sa vitalité archaïque », « la possibilité quasi magique de se transformer en toutes choses ou de « transformer toutes choses »[1]. Le tyran apparaît donc comme celui qui veut empêcher les métamorphoses des autres, et ainsi les vider de toute vitalité.


Cette idée résonne étrangement dans notre monde actuel : le projet de société idéal serait-il celui qui permet, facilite les métamorphoses de chacun au lieu de les assigner à résidence d’une identité, d’un métier, d’une formation, d’un diplôme (ou d’une absence de diplôme), d’un milieu socio-économique, d’un territoire, d’une origine culturelle différente ? Le transfuge social, cité en exemple par Canetti, est celui qui a pu se métamorphoser... Le creuset républicain français ne devrait-il pas être pensé comme le levier des « métamorphoses réciproques »[2] ? S’il n’y a pas de métamorphose possible, il n’y a pas de société possible, puisqu’une addition d’identités ou de communautés fixes ne constitue pas une société. Contre l’identité, contre « le culte de la pureté »[3], contre « la pulsion d’homogénéité »[4], Canetti nous propose la métamorphose, comme liberté, comme égalité et comme fraternité. Cette idée résonne aussi dans le monde professionnel : la « Grande Démission » aux Etats-Unis, la crise de sens au travail, dont des signes apparaissent aussi en France, n’est-elle pas une révolte contre l’interdit ou l’empêchement de la métamorphose qui peut régner dans certaines entreprises ou certaines administrations ? Le rôle des parents, des professeurs, des managers, - et par extension, celui du dirigeant de l’entreprise ou de l’institution publique -, la responsabilité d’un vrai chef d’État ne sont-ils pas de rendre les métamorphoses possibles ?"

[1] Olivier Agard, Revue Europe, Elias Canetti, « L’anthropologie politique d’Elias Canetti », p. 19. [2] Halpern Gabrielle, Penser l’Hybride, Thèse de doctorat en philosophie, 2019 ; http://www.theses.fr/2019LYSEN004 [3] Halpern Gabrielle, Penser l’Hybride, Thèse de doctorat en philosophie, 2019 ; http://www.theses.fr/2019LYSEN004 [4] Halpern Gabrielle, Penser l’Hybride, Thèse de doctorat en philosophie, 2019 ; http://www.theses.fr/2019LYSEN004






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