GAFAM et médias: Aux 2èmes Rencontres Internationales des Médias à Marseille, la philosophe Gabrielle Halpern prend la parole
- gabriellehalpern
- 4 juil.
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Dernière mise à jour : 8 juil.

A l'occasion des Deuxièmes Rencontres internationales des Médias, qui se tiennent à Marseille, - un événement organisé par CMA Médias, Les rencontres économiques d'Aix-en-Provence et la Région Sud Provence Alpes Côte d'Azur, la philosophe Gabrielle Halpern a été invitée à partager son regard sur les médias, les GAFAM et leur difficile relation, aux côtés de Louis Dreyfus, Président du Directoire du Groupe Le Monde, de l'avocate Elise Dufour et de Jean-Marie Cavada.

"Depuis des siècles, les philosophes s’interrogent pour savoir quelle est la singularité des êtres humains par rapport aux autres animaux. Aristote disait que l’être humain est un « animal politique »... Sauf que l'on sait aujourd'hui que d'autres animaux font également de la politique. Marcel Mauss disait qu'il était un « animal cuisinier »... Sauf que l'on sait aujourd'hui que d'autres animaux cuisinent aussi. Alors quelle est la singularité de l’être humain ? Elle réside dans le fait qu’il est peut-être le seul animal à avoir inventé des médias, c’est-à-dire des outils prenant différentes formes, physiques ou virtuelles, pour informer ses congénères, les interpeller, partager avec eux des informations. En tant que philosophe, il me semble important de rappeler la dimension originale de cet outil. On pourrait dire que les médias, en tant que tels, n'ont rien de « naturel » et qu’ils sont même « artificiels », mais cet « artifice », le besoin de cet artifice dit quelque chose de notre humanité. Pourquoi l’être humain a-t-il créé les médias ? En tant qu’espace-temps de partage d’informations, les médias créent des liens entre les membres d’une société. En donnant à voir, à lire ou à entendre ce qu’il se passe, les médias créent en nous un sentiment d’appartenance à une société. Le média, en tant que tel, joue un rôle dans ce que les philosophes appellent « le contrat social ». Tout se passe comme si nous avions eu besoin de créer des médias pour nous rappeler constamment que nous ne sommes pas des êtres humains éparpillés les uns les autres sur la surface de la terre, tels des loups solitaires ; nous sommes tous liés les uns aux autres. Le média joue le rôle de l’intermédiaire, comme le rappelle son étymologie. Lorsqu’il est question de démocratie, c’est toujours le rapport du peuple au pouvoir, et inversement, qui est pensé, mais n’est-il pas temps de penser les rapports des citoyens entre eux? Il est là, le défi démocratique aujourd’hui ! Regardons les haines réciproques, les mépris réciproques, les préjugés réciproques qui se développent… La démocratie, c’est aussi le rapport des citoyens entre eux et, dans ce rapport, les médias ont un rôle à jouer. Par ailleurs, en rapportant jour après jour ce qu’il se passe dans un pays, que ce soit sous une forme écrite, radiophonique ou télévisée, les médias contribuent à construire chez un être humain son rapport à son territoire, à ses compatriotes et au monde dans lequel il vit. Puisque nous ne pouvons pas être partout dans le monde à la fois, les médias nous aident, en tant qu’êtres humains, à nous forger une représentation du monde. Leur responsabilité est donc immense", Gabrielle Halpern

"La philosophe Hannah Arendt rappelle que « ce qui séparait les Grecs des barbares, c’est qu’ils étaient ensemble sur le mode du parler les uns avec les autres » ; la liberté, telle que les Grecs la considéraient lorsqu’ils ont créé la démocratie, consistait à « vivre sur le mode du parler avec les autres ». Mais à force d’enfermer constamment le politique dans le paradigme du « gouvernants/gouvernés », nous passons complètement à côté de son essence, c’est-à-dire à côté du rapport des citoyens entre eux. Quel « mode du parler avec l’autre », l’intelligence artificielle nous offre-t-elle ? A partir du moment où l’on demande conseil à un assistant virtuel plutôt qu’à son collègue, sa mère, son ami, son professeur, son médecin, son voisin ou sa sœur, ne risque-t-on pas de devenir muets et sourds les uns à l’égard des autres? N'allons-nous pas entrer dans un monde où nous devrons faire face au bruit des claviers et au silence des Hommes? La vraie question à se poser aujourd’hui est la suivante : quelle sera la conséquence politique de nos silences ? Les médias et les GAFAM ont une responsabilité historique à exercer pour relier les mondes", Gabrielle Halpern

Pour en savoir plus : https://rim-cma-media.com/#:~:text=Après%20le%20succès%20de%20sa,soient%20managers%2C%20créateurs%20ou%20penseurs.
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