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Tribune Ouest France: "En quoi croit l'Occident?"


Tribune de Gabrielle Halpern


"En quoi croit l’Occident aujourd'hui ? Croyons-nous toujours avec autant de force en l’humanité ? Et si oui, quelle conception de l’humanité défendons-nous ? Cette question semble étonnante, et pourtant, si le développement des technologies a permis des progrès majeurs en matière de connaissances scientifiques ou encore d’accès à l’éducation, la foi que nous avons en elles semble supplanter celle que nous avons en l’humanité.


Si nous croyons tant que cela dans l’être humain, pourquoi cherchons-nous sans cesse à le remplacer par des technologies toujours plus rapides, efficaces et infaillibles ? Si sa liberté a tant de valeur à nos yeux, pourquoi concentrons-nous nos efforts à le rendre davantage prévisible ? Si l’humanité a tant d’importance pour nous, pourquoi tentons-nous toujours plus d’annihiler ce qui la définit fondamentalement, c’est-à-dire toutes ses vulnérabilités, et parmi elles, la première vulnérabilité, sa mort ? Il n’y a plus d’humanisme dans le transhumanisme, et dans notre quête perpétuelle du progrès que nous déclarons mener au nom de l’humanité, nous perdons toute crédibilité dans ce que nous affirmons défendre à la face du monde. Qu’y a-t-il encore d’humain dans l’homme augmenté que nous ne cessons plus de glorifier ? Plus nous sommes connectés, moins nous semblons reliés à notre prochain et à nous-mêmes.

Si l’Occident croit vraiment dans l’être humain, et entend continuer à défendre sa liberté, alors il nous faudra renouer avec l’esprit des Lumières pour qui le vrai courage était celui de se servir de son propre entendement. En effet, comme l’écrivait Emmanuel Kant, « il est si commode d’être sous tutelle. Si j’ai un livre qui a de l’entendement à ma place, un directeur de conscience qui a de la conscience à ma place, un médecin qui juge à ma place de mon régime alimentaire, etc., je n’ai alors pas moi-même à fournir d’efforts. Il ne m’est pas nécessaire de penser dès lors que je peux payer ; d’autres assumeront bien à ma place cette fastidieuse besogne ».


En renforçant jour après jour la mise sous tutelle des individus par des outils, en déléguant progressivement à nos machines nos facultés de penser, quelle humanité allons-nous incarner ?"


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