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Radio RCJ: « Tu es libre là où l’on ne t’aime pas »


Cette chronique est présentée par Gabrielle Halpern chaque mardi dans le journal de 12h sur la radio RCJ et vous offre un regard philosophique sur l'actualité.


Il y a de nombreuses années, en lisant les œuvres d’Elias Canetti, l’un des plus grands intellectuels du XXe siècle, que je cite toujours abondamment, étant donné l’influence qu’il a eue sur mes travaux de recherche, je suis tombée sur une phrase qui m’a beaucoup interpellée. Je crois que, depuis que je l’aie lue, il n’y a pas eu un seul jour qui ne se soit passé sans que j’y repense, avec à chaque fois, le même étonnement et le même malaise. Vous imaginez donc combien cette chronique qui lui est consacrée m’a été difficile à concevoir.


Cette phrase, la voici : « Tu es libre là où l’on ne t’aime pas ». Voilà ! « Tu es libre là où l’on ne t’aime pas ». Cette phrase ressemble à un livre qui tombe sur la tête ou à une pluie de coups de boxeur ! « Tu es libre là où l’on ne t’aime pas ». Mille questions nous assaillent désormais ! L’amour des autres serait-il une prison ? L’amour des autres nous obligerait-il ? Cela signifie-t-il qu’il ne faudrait pas forcément aimer son prochain comme on s’aime soi-même ? Mais dans quoi l’amour nous enferme-t-il ? Sommes-nous enfermés dans le regard de ceux qui nous aiment ? Faudrait-il renoncer à être aimé pour demeurer libre ? La vie ne serait-elle qu’un choix entre la liberté et l’amour ? « Tu es libre là où l’on ne t’aime pas »… Mais quelle valeur cette liberté a-t-elle ?


Je tiens à vous prévenir immédiatement, - et peut-être à vous rassurer -, je ne répondrai à aucune de ces questions dans ma chronique ! Mais je vous en livre encore d’autres. Serait-on moins libre de nos mots, de nos faits et gestes lorsque nous sommes aimés, précisément par peur de décevoir l’autre ? Cela veut-il dire que ceux qui nous aiment nous cristallisent dans une image idéalisée de nous-mêmes qui tend à nous enfermer et à nous empêcher de nous métamorphoser ? Cela signifie-t-il que rechercher l’amour des autres est un piège et une prison qui peut vite nous faire tomber dans la tentation de les séduire au lieu d’être vraiment soi ? D’un point de vue politique, cela aurait-il pour conséquence que la liberté du décideur politique résiderait dans sa faculté à ne pas rechercher l’amour des autres ? Mais cela ne signifie-t-il pas autre chose, à savoir qu’à l’amour des autres correspond une responsabilité qui nous est confiée ? « Tu es libre là où l’on ne t’aime pas »… Et vous, comment comprenez-vous cette phrase ?


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