Cette chronique est présentée par Gabrielle Halpern chaque mardi dans le journal de 12h sur la Radio RCJ et vous offre un regard philosophique sur l'actualité.
Alors que nous avons l’impression de vivre une époque où jamais les injonctions contradictoires n’ont été aussi nombreuses, nous sommes nombreux à nous sentir impuissants. Crise sanitaire, crise énergétique, réchauffement climatique, guerre en Ukraine, inflation… Nous nous sentons impuissants devant nos postes de télévision et de radio qui nous apportent les mauvaises nouvelles du jour et du monde. Il est alors bon de se souvenir du poète Jacques Roubaud. Jacques Roubaud est né en 1932 et il est l’un des plus grands poètes français encore vivants. Il n’est d’ailleurs pas seulement poète, puisqu’il est aussi mathématicien. Avec son ouvrage « Quelque chose noir », il a écrit l’une des plus belles œuvres qui soit sur le manque, sur l’absence. Et dans ce texte, il y a le vers suivant, un vers de poète, qui aurait aussi pu être celui d’un philosophe :
« Le regard humain a le pouvoir de donner de la valeur
aux êtres cela les rend plus coûteux »
Ce que Jacques Roubaud nous dit, c’est que malgré notre sentiment douloureux d’impuissance, avec notre regard, nous devenons tout-puissants. Oui, le poète nous le dit : notre regard a le pouvoir de donner de la valeur aux êtres… Nous ne sommes pas responsables du regard de l’autre, mais nous sommes responsables de celui que nous portons sur l’autre. D’ailleurs, la seule chose dont nous soyons vraiment, réellement propriétaires en ce monde, – et c’est ce que nous emporterons au paradis comme en enfer -, ce sont nos regards : ceux que nous avons portés, comme ceux que nous avons refusés. Notre époque nous fait subir beaucoup de choses, mais notre regard, nous en sommes maîtres ! Alors, en ce monde et en cette période, où nous avons le sentiment cruel de ne pas maîtriser grand-chose, il est encore en notre pouvoir de donner de la valeur aux autres, en apprenant à les regarder.
Même si nos corps semblent déconfinés, il nous faut encore apprendre à déconfiner nos yeux, alors ouvrons l’œil, et le bon !
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