Radio RCJ: "Musée des arts décoratifs: Petite philosophie de l’amitié"
- gabriellehalpern
- il y a 3 jours
- 3 min de lecture

Cette chronique est présentée par Gabrielle Halpern chaque mardi dans le journal de 12h sur la radio RCJ et vous offre un regard philosophique sur l'actualité.
"Bonjour à tous! Quand est-ce que vous avez visité pour la dernière fois un musée d’arts décoratifs ? Moi, c’était il y a quelques jours à Vienne et encore avant, à Riga il y a quelques semaines et encore avant, c’était à Paris. Pour tout vous dire, il n’est pas un mois qui passe sans que je n’aille faire un tour dans ces petits mondes d’objets qui me fascinent. Certains pourraient penser que cela n’a aucun intérêt et que seuls les êtres humains en ont ; certes, les êtres humains ont une valeur ineffable. Mais cela ne veut pas dire que les objets ne méritent pas que l’on s’intéresse à eux.
Un musée d’arts décoratifs révèle beaucoup d’un pays, de sa culture, de son identité, les formes, les couleurs, les matériaux, les audaces, rien n’est anodin, tout exprime l’âme d’une nation. Les objets m’ont toujours fait beaucoup réfléchir, parce que – fruits de la main de l’homme – ils révèlent aussi beaucoup de ce qu’est l’être humain. Passer par les objets pour mieux comprendre l’être humain peut sembler étonnant et original et pourtant, en tant que philosophe, puisque ma vocation est de consacrer ma vie à mieux saisir ce qu’est l’être humain, je peux vous confirmer l’intérêt de cet apprentissage de l’humanité par les objets.
C’est ainsi que j’ai été très agréablement surprise, en lisant le roman Lady L. de Romain Gary, de découvrir à travers les propos qu’il fait tenir à ses personnages, qu’il était, lui aussi, fasciné par les objets. Permettez-moi de citer une phrase concernant son héroïne Lady L : « on commence à se lier à un animal, à le comprendre et à l’aimer, et voilà qu’il vous quitte. Elle avait horreur des séparations et ne s’attachait plus qu’à des objets. Quelques-unes de ses amitiés les plus satisfaisantes, elle les avait vécues avec des choses : au moins, elles ne vous quittaient pas ». Plus loin, il fait dire à son héroïne Lady L : « Vous et moi, nous sommes tous les deux capables de nous attacher aux objets comme à des amis, de les aimer, de prendre soin de tout ce monde mystérieux et que l’on appelle inanimé… Les choses ne deviennent inanimées que lorsqu’on les abandonne, les objets pour se mettre à vivre ont besoin de regards, d’amitié ». Les objets aident ce personnage de Romain Gary à « rêver » et à se « souvenir ».
Je ne sais pas si c’est le cas pour vous, mais moi, je n’avais jamais pensé aux objets de cette manière-là, à cette forme de complicité, à cette générosité, à cette amitié qu’ils nous offrent quotidiennement. En les regardant un à un autour de nous, nous pouvons prendre conscience qu’ils participent, dans leur tendre familiarité, de notre « chez-moi ». Chacun d’eux d’une certaine manière nous accueillent et cette hospitalité est un cadeau.
Mais renoncer à l’amitié des vivants sous prétexte qu’ils peuvent mourir et nous quitter, renoncer à aimer, renoncer à s’attacher pour se protéger contre la souffrance de la perte reviendrait à renoncer à une part de notre humanité et à son éternelle éphémérité. J’espère que vous ne regarderez plus jamais votre tasse à café de la même manière après cette chronique !"
@Tous droits réservés
Découvrez tous les livres de Gabrielle Halpern chez votre libraire préféré!

Pour commander et réserver votre ouvrage: https://www.leslibraires.fr/recherche/?q=Gabrielle+halpern

