Radio RCJ: "Raymond Devos, délicieusement hybride et visionnaire !"
- gabriellehalpern
- 10 juin
- 3 min de lecture
Cette chronique est présentée par Gabrielle Halpern chaque mardi dans le journal de 12h sur la radio RCJ et vous offre un regard philosophique sur l'actualité.
« Cela fait depuis 2006 que l’humouriste Raymond Devos nous a quittés et nous n’avons pourtant pas fini d’explorer son œuvre d’une incroyable actualité. Certains d’entre vous s’étonneront peut-être que je consacre une chronique de philosophie à un humouriste, mais Raymond Devos n’était pas un humouriste comme les autres, il était particulièrement philosophe dans sa manière de construire ses sketchs et certains d’entre eux donnent autant à réfléchir qu’un chapitre des Méditations métaphysiques de René Descartes… L’humour en plus ! Je vous laisse le constater par vous-mêmes à travers ce sketch-là :
« Vous avez remarqué comme les gens marchent vite dans la rue ?...
Il y a quelques jours,
Je rencontre un monsieur que je connaissais,
Je vais pour lui serrer la main,
Le temps de faire le geste...Il était passé !
Eh bien j'ai serré la main à un autre monsieur
Qui, lui, tendait la sienne à un ami
Qui était déjà passé depuis dix minutes »
Et si ce sketch de Raymond Devos était une métaphore on ne peut plus d’actualité de nos relations aux autres ? Sommes-nous certains de nous rencontrer vraiment ou ne faisons-nous que passer les uns à côté des autres, passer complètement à côté de ceux que nous aimons? L’être humain est-il vraiment un animal social ? Et si non, comment repenser nos relations aux autres? Vous voyez ? Il a suffi de quelques phrases de Raymond Devos pour nous plonger dans une réflexion sur le temps, sur l’éthique et sur notre humanité. C’est toute la force de Raymond Devos : d’entremêler les mots, les jeux de mots pour nous inviter, en toute légèreté, à penser. Je pense, donc je ris, répondrait l’humouriste au « je pense, donc je suis » de René Descartes !
L’entremêlement, le mot est lancé ! Je dirais même plus : ce qui semble caractériser Raymond Devos, - le définir, même -, est sa dimension hybride. « On se prend souvent pour quelqu’un, alors qu’on fond, on est plusieurs », disait-il. Et de fait, il était plusieurs. En tant qu’artiste, il a hybridé les arts, en étant à la fois mime, comédien, musicien, jongleur, équilibriste sur monocycle ou encore prestidigitateur… Musicien, il a appris à jouer de la clarinette, de la harpe, de la trompette, de la scie musicale ou encore du piano ! Il s’est d’ailleurs mis au piano après ses 50 ans, preuve s’il en était besoin de son extraordinaire curiosité. Il a hybridé les sources et les inspirations, en allant piocher tant dans Gaston Bachelard que dans Boris Vian ou Charlie Chaplin !
Il était ce que j’appelle un vrai centaure, un véritable « hybride », jusque dans son identité, ainsi qu’il le disait lui-même : « Je suis né avec un pied en Belgique et un pied en France, c’est pour cela que je marche les pieds écartés. Je suis français, j'ai toujours été français et tout le monde me prend pour un Belge, que voulez-vous que je vous dise ? Ce sera ainsi jusqu'à ma mort [1]». Allez vite découvrir la Fondation Raymond Devos, - sa magnifique maison-musée de Saint Rémy-Les-Chevreuse… Vous y verrez notamment son trampoline qu’il utilisait encore après ses 90 ans ! »
[1] https://tvmag.lefigaro.fr/programme-tv/article/television/11435/envoye-special-raymond-devos-l-acrobate-verbale.html
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