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Radio RCJ: Et si l'on hybridait l'économie?


Cette chronique est présentée par Gabrielle Halpern chaque mardi dans le journal de 12h sur la Radio RCJ et vous offre un regard philosophique sur l'actualité


L’actualité étant pleine à craquer, les annonces des Prix Nobel sont quelque peu passées inaperçues. C’est dommage, parce que les prix Nobel ne sont pas juste des prix Nobel, ils sont aussi des marqueurs de notre temps, des symboles, qui disent quelque chose de notre société, de nos sciences, de nos avancées, de nos choix. Ils jouent comme un miroir et l’on pourrait presque analyser « l’esprit de notre temps » à travers les prix Nobel décernés chaque année.


Je vous propose de nous intéresser plus spécifiquement au prix Nobel d’économie. Il vient d’être décerné à trois économistes américains, qui sont : Joshua Angrist du MIT, Guido Imbens de Brown University et David Card de Princeton. Ce qui est intéressant et qui mérite toute notre attention est le fait qu’ils sont tous les trois des économistes un peu particuliers : des économistes issus de l’économie expérimentale. Autrement dit, ils ne partent pas des théories économiques classiques, mais ils s’intéressent aux comportements des individus et pratiquent des expérimentations. L'introduction en économie d'expériences concrètes en laboratoire ou sur le terrain, qui permettent de visualiser, étudier et analyser un phénomène est apparu dans les années 1990 avec la prise en compte de l'influence des émotions et de la psychologie dans les choix et les comportements économiques des individus[1].


Ce prix Nobel 2021 indique que l’économie est en train de connaître une vraie petite révolution. Les modèles théoriques du passé sont en train d’être remis en question par d’autres approches, d’autres méthodes de recherche, d’autres concepts, mais aussi d’autres sciences.


Nous assistons, en effet, à un phénomène d’hybridation accélérée de notre monde, qui touche presque tous les domaines de notre vie et les sciences n’y échappent pas. Il ne s’agit plus d’une simple interdisciplinarité, il y a une véritable hybridation entre les sciences, qui permet de combiner et de recombiner les approches, d’entrecroiser les méthodologies.


L’économie n’est plus seulement l’économie, elle fait un pas de côté et un mariage improbable avec les sciences cognitives et comportementales, avec la biologie ou encore les sciences-politiques. Ce mouvement n’est pas nouveau et a commencé il y a quelques années déjà, puisque dans le passé trois chercheurs qui n’étaient pas économistes ont reçu le prix Nobel d’économie: Elinor Ostrom venait des sciences-politiques ; Daniel Kahneman, de la psychologie ; John Nash, des mathématiques ! Les prochains pourraient bien être philosophe, sculpteur ou chimiste !


Cette hybridation de l’économie est un formidable levier de créativité et le signe d’une prise de conscience de l’absurdité et de la stérilité de la division des sciences…


[1] https://www.franceculture.fr/emissions/entendez-vous-l-eco/prix-nobel-d-economie-le-sacre-de-l-experimentation



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