Radio RCJ: "Donald Trump, l'inclusion et la diversité : de quoi est-il vraiment question ?"
- gabriellehalpern
- 6 mai
- 2 min de lecture

Cette chronique est présentée par Gabrielle Halpern chaque mardi dans le journal de 12h sur la radio RCJ et vous offre un regard philosophique sur l'actualité.
""Tu aimeras ton prochain comme toi-même"[1] est peut-être l’un des versets les plus connus de la Bible. Cependant, si le texte nous dit qu’il faut aimer notre prochain comme nous-mêmes, il le fait une fois, tandis que nous sommes invités plusieurs fois à aimer l’étranger[2]. Serait-ce parce qu’aimer son prochain, - celui qui nous ressemble -, ne demande pas d’effort particulier ? De quoi réfléchir autrement à la question de l’altérité, et donc à celle de la différence.
Pourquoi recrute-t-on toujours des personnes qui nous ressemblent, qui sont passées par les mêmes écoles, qui ont le même sexe ou qui ont suivi le même parcours que nous ? Parce que cela permet d’éviter toute imprévisibilité[3] : vous savez comment l’autre va réagir, puisqu’il va réagir, penser et décider comme vous ! D’ailleurs, le sociologue israélien Yehouda Shenhav écrivait que l’on a inventé le management pour « terrasser le dragon de l’incertitude » : or, l’incertitude, c’est la vie ! A force de recruter les mêmes personnes, de supprimer toute imprévisibilité en interne, on cesse de savoir ce qu’est l’imprévisibilité… Et lorsqu’elle arrive de l’extérieur, en forme de covid-19 ou, un jour, en forme de virus informatique, on est complètement démuni !
La diversité vient donc non seulement nous rendre plus forts face à l’imprévisibilité du monde, mais elle vient aussi révéler nos absurdités : hésite-t-on à recruter une personne en situation de handicap à cause de sa lenteur ? Mais son « droit à la lenteur »[4] ne vient-il pas interroger le temps que l’on accepte de perdre en réunionnite aiguë ? A l’heure où l’intelligence artificielle nous fait gagner du temps, n’est-ce pas le moment d’interroger ce à quoi on accorde du temps, et donc ce à quoi on accorde de la valeur ?
Cependant, reconnaître la différence et sa richesse est une chose ; l’instrumentaliser pour justifier tous les identitarismes et tous les communautarismes – les facettes d’une même médaille – en est une autre. Pour reprendre les mots de Stefan Zweig : « ce n’est pas l’orgueil du particularisme, mais le plaisir de partager ce qui est commun qui rend possible la vraie démocratie[5] ». Si l’universel a déçu – faute d’être véritablement universel – il est de notre devoir collectif de le réinventer pour le sauver[6] !"
[1] Lévitique 19 : 18.
[2] Rabbi Rami Shapiro, Contes hassidiques, Albin Michel, 2007.
[3] Gabrielle Halpern, « Tous centaures ! Eloge de l’hybridation », Le Pommier, 2020.
[4] Gabrielle Halpern, « Repenser le monde du travail », en partenariat avec Andicat et la Cité de l’économie et des métiers de demain, publié par la Fondation Jean Jaurès https://www.jean-jaures.org/publication/comment-repenser-le-monde-du-travail-lexemple-des-etablissements-et-services-daccompagnement-par-le-travail/
[5] Stefan Zweig, Le Monde de demain, traduction de Jean-Jacques Pollet, Paris, Les Belles Lettres, 2023, p. 258.
[6] Gabrielle Halpern, « Créer des ponts entre les mondes – Une philosophe sur le terrain », Fayard, 2024.
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