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Radio RCJ: Des soldes pour consommer ou pour se consommer?


Cette chronique est présentée par Gabrielle Halpern chaque mardi dans le journal de 12h sur la Radio RCJ et vous offre un regard philosophique sur l'actualité.


Depuis quelques semaines, les soldes ont démarré et, malgré le contexte ambiant d’inflation et de morosité, on constate que de nombreux magasins sont pleins ! Certains pourraient se dire que cette frénésie à la consommation est terrible, du point de vue humain ; d’autres, qu’elle est bénéfique, du point de vue économique. La société de consommation a ses défenseurs et ses pourfendeurs, mais plutôt que de tomber dans le piège d’un débat vu et revu, j’aimerais réfléchir avec vous aujourd’hui sur la notion même de consommation.


Tout d’abord, un peu d’histoire : sachez que le terme est apparu dans la langue française en l’an 1120 et qu’il signifiait à l’époque une chose qui pourrait vous surprendre… En effet, la consommation, c’était l’« état de ce qui est mené à son accomplissement, à sa perfection »… Cela se disait d’un mariage, par exemple. Nous sommes très loin de ce que nous entendons aujourd’hui par « consommation ». Cette définition ancienne est en lien direct avec l’étymologie latine du mot, puisque consommation vient de consummatio qui signifie « accomplissement, achèvement, perfection ». Alors que consommer est aujourd’hui globalement synonyme d’acheter ou d’utiliser, on peut s’étonner d’un tel glissement de définition.


Nous pourrions dessiner l’hypothèse suivante : ces deux définitions du mot « consommation » recouvrent peut-être deux manières différentes de consommer. Soit la consommation d’un bien conduit à une forme d’accomplissement de soi, soit elle conduit à une usure de soi. Le meilleur exemple pour comprendre ce qui est à l’œuvre ici est sans doute l’épisode d’Adam et Eve dans le jardin d’Eden avec le fruit défendu. Si on lit bien le texte, on constate que l’interdit porte, non pas sur le fruit en lui-même, mais sur l’action de le manger. Peut-être que si Adam et Eve s’étaient contentés de le cueillir, de le regarder, de le sentir ou de le conserver, il n’y aurait pas eu les conséquences que l’on connaît. Dans notre relation aux biens matériels et aux biens immatériels, des chaussures aux séries télévisées, comme dans notre relation aux autres, nous tombons parfois dans le piège de la consommation qui dévore : nous ingérons souvent les biens, les soirées, les amis, les musiques, comme Adam et Eve ont mangé leur fruit et à la fin, il n’en reste rien ou pas grand-chose… Un trognon de pomme ! Il nous faut peut-être réapprendre à donner au verbe « consommer » sa signification d’accomplissement… Ne dévorons pas ce et ceux qui nous entourent !


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