Cette chronique est présentée par Gabrielle Halpern chaque mardi dans le journal de 12h sur la Radio RCJ et vous offre un regard philosophique sur l'actualité.
Depuis quelques semaines, nous entendons de plus en plus parler de Chat GPT ; un prototype d’agent conversationnel utilisant l’intelligence artificielle et capable de générer des réponses à de nombreuses questions. Pour certains, Chat GPT pourrait bien remplacer les professeurs… Cela pose la question suivante : à quoi sert encore l’école ? Quel est son rôle dans la société ? Et les enseignants : que symbolisent-ils ? C’est là qu’il nous faut faire appel à Elias Canetti, l’un des plus grands intellectuels du XXe siècle. D’origine bulgare, prix Nobel de littérature en 1981, il a vécu en Autriche, en Angleterre, en France ou encore en Suisse. Ce grand européen a hybridé les cultures, les idées et les langues, en étant à la fois chimiste, écrivain, philosophe ou encore dramaturge.
Dans son œuvre autobiographique, il nous propose une définition de l’école qui fait beaucoup réfléchir. Je le cite : « Tous les professeurs offrent un spectacle d’une étonnante diversité ; il me semble d’ailleurs que c’est par le contact des professeurs que nous prenons réellement et pour la première fois conscience de cette diversité (…). Tout cela contribue à faire de l’école quelque chose de plus que ce qu’elle est supposée être, à savoir l’école de la diversité humaine, et, pour peu qu’on la prenne un tant soit peu au sérieux, l’école de la connaissance de l’homme ».
Qu’est-ce que Canetti cherche à nous dire ? L’école n’est pas simplement le lieu de la transmission et de l’apprentissage des savoirs. Par l’intermédiaire des enseignants, elle est l’endroit où le regard s’aiguise. Elle est l’endroit où l’on apprend ce qu’est l’être humain. Après nos parents, nos professeurs sont les premiers représentants de cette humanité, dont nous ne finissons pas d’épuiser la diversité. L’école est ce moment où nous apprenons à toucher du bout des doigts le singulier et l’universel ; où nous commençons à comprendre la complexité et la nécessité de leurs liens. En s’exposant chaque semaine devant nos yeux, au même horaire, dans le même lieu, chacun de nos professeurs nous fait goûter la saveur de l’altérité. Une diversité que les enfants ne cesseront par la suite de rencontrer partout où ils iront lorsqu’ils auront grandi.
Oui, aller à l’école, c’est « faire l’expérience du monde » et, par cette expérience, par ces êtres que nous rencontrons quotidiennement, par ces connaissances que nous nous forgeons, nous nous métamorphosons et nous apprenons à devenir des hommes.
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