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"Notre premier commun est notre relation les uns aux autres" - Interview de la philosophe Gabrielle Halpern dans le Hors-série de la Cité de l'économie et des métiers de demain

Photo du rédacteur: gabriellehalperngabriellehalpern


La philosophe Gabrielle Halpern a accordé une grande interview sur la question des "communs" au Cahier d'inspiration de la Cité de l’économie et des métiers de demain de la Région Occitanie, à Montpellier.


"Beaucoup de philosophes se sont intéressés à la question du commun, d’Aristote à Rousseau, et il est intéressant de constater qu’elle n’est donc pas seulement brûlante d’actualité, elle est, pour ainsi dire, atemporelle. A mes yeux, c’est parce qu’elle touche la vie même en société. Un collectif n’existe que parce qu’il y a une mise en commun, - qu’elle soit matérielle ou immatérielle, d’ailleurs -, autrement il ne s’agirait que d’une juxtaposition d’individus. Ce qui m’intéresse dans cette notion et qui guide mes travaux de recherche dans le cadre de ma résidence au sein de la région Occitanie, c’est la manière dont elle vient interroger notre rapport au territoire dans lequel nous vivons et notre rapport aux autres parties prenantes qui y vivent. Beaucoup de travaux existent sur les communs, mais ils s’attachent souvent à leur dimension matérielle, tangible. Or, ce qui m’intéresse ici, c’est plutôt leur dimension immatérielle : dans un territoire, ce que nous avons en commun en tout premier lieu, ce sont les relations que nous pouvons avoir les uns avec les autres. Un territoire est un écosystème de relations à provoquer, à cultiver, à développer : les relations, c’est le « premier commun » sans lequel aucun contrat social n’est possible. Sans relations, il n’y a pas de territoire, il n’y a pas non plus de société.", Gabrielle Halpern

"A quoi cela sert-il de faire faire des dictées absurdes aux enfants quand ces feuilles de papier sont jetées à la poubelle en fin d’année, alors que l’on pourrait leur apprendre la grammaire et l’orthographe en leur proposant d’écrire des lettres pour les personnes âgées dans la maison de retraite à côté de l’école ? Si chacun reste dans sa case – usine, musée, école, maison de retraite, services administratifs, hôpital, commerce, etc. -, comme un îlot isolé au milieu de l’océan, il n’y a aucun commun possible. C’est parce que les startups et les ESAT, les opéras et les Ehpad, les musées et les hôpitaux, les usines et les laboratoires de recherche collaborent pleinement qu’il pourra y avoir une véritable société, un véritable territoire, c’est-à-dire un espace vécu. Cette définition du territoire comme « écosystème de relations » a des implications immenses – sociales, économiques, juridiques, et bien évidemment politiques. Elle appelle à une nouvelle manière de concevoir et de fabriquer les politiques publiques", Gabrielle Halpern

"Chacun de nous est si souvent tenté de rester dans le confort de l’entre-soi, or, pour faire face aux grandes transitions et aux défis qui nous attendent, il va nous falloir apprendre à réfléchir ensemble et à construire collectivement des réponses. Notre société crève des silos qui nous divisent, des étiquettes que nous passons nos vies à coller sur les uns et les autres, des cases où nous enfermons les autres et où nous nous enfermons. Nous avons passé des siècles à voir le monde d'une manière morcelée, cela a influé sur notre organisation du travail, sur nos industries, sur le développement de nos sciences, sur nos formations, sur nos politiques publiques, sur l’organisation de nos filières ou encore sur nos territoires[1]. Le rôle du politique est de créer des ponts entre les mondes[2], entre les citoyens, entre les métiers, entre les secteurs, entre les territoires, entre les générations. Seul un vrai tiers de confiance peut inviter les acteurs d’un territoire à sortir de leur entre-soi, à partager une vision commune et à imaginer mille hybridations possibles. Je rejoins le philosophe Jean-Paul Sartre lorsqu’il écrivait que nous sommes ce que nous faisons et que « ce sont nos actes qui nous définissent », c’est là toute la différence entre les rêveurs et les acteurs, entre les fatalistes et les courageux. Changer le monde – ou du moins, le réparer – ne repose pas sur les épaules de quelques-uns : chacun d’entre nous a cette responsabilité !", Gabrielle Halpern

[1] Gabrielle Halpern, Tous centaures ! Eloge de l’hybridation, Le Pommier, 2020.

[2] Gabrielle Halpern, « Créer des ponts entre les mondes – Une philosophe sur le terrain », Fayard, 2024.



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