Cette chronique est présentée par Gabrielle Halpern chaque mardi dans le journal de 12h sur la Radio RCJ et vous offre un regard philosophique sur l'actualité.
Chacun d’entre nous a en tête des chansons, des histoires, des films, des partitions, interprétées par différents artistes. Telle grande chanteuse et telle autre interprétant Carmen, tel magnifique acteur et tel autre interprétant le rôle de d’Artagnan dans Les Trois mousquetaires, telle émouvante soliste et telle autre interprétant Vivaldi… Mais qu’est-ce qui différencie fondamentalement une interprétation d’une autre ? Où se situe leur singularité ? En quoi consiste vraiment le supplément d’âme que chacun va apporter ? Et quelle est la véritable marge de manœuvre de ces artistes dans leur interprétation souvent contrainte par la vision d’un metteur en scène, d’un scénariste ou d’un chef d’orchestre ?
Cette réflexion qui peut sembler très éloignée du commun des mortels nous est peut-être beaucoup plus proche que nous le croyons. Nous ne sommes pas forcément tous des artistes, mais que nous le voulions ou non, nous sommes tous des interprètes. Père, mère, fils, fille, ami, sœur, frère, grand-parent, petit-enfant ; il s’agit-là de rôles ancestraux, de rôles atemporels, et pourtant, nous en sommes les interprètes. Nous ne sommes pas les premières à être mères et nous ne serons pas les dernières ; d’autres sont venues avant nous apporter leur interprétation de ce rôle, d’autres viendront après nous. Ces rôles ont beau être les plus vieux du monde, - ils ont été joués, rejoués des milliards de fois -, chacun y a pourtant apporté son interprétation unique, montrant là qu’aucun père n’est semblable à un autre, aucun enfant n’est semblable à un autre et que c’est peut-être le caractère unique de l’interprétation de ces rôles éculés qui constitue toute sa saveur.
Oui, nous sommes tous des interprètes ! Et il peut arriver que nous interprétions mal notre rôle, que nous l’interprétions très mal, que nous n’ayons pas compris en quoi il consistait, que nous ayons décidé de ne pas respecter les partitions, que nous ayons oublié des mots, des phrases, des regards. Il peut arriver que nous n’ayons rien compris à la mise en scène du théâtre de la vie, que nous ayons chanté sans justesse, que nous soyons complètement passé à côté de notre rôle.
Oui, nous sommes peut-être tous de mauvais interprètes ! Nous interprétons mal les silences de notre enfant, de notre épouse, de notre grand-père ; nous interprétons mal les rires de nos collègues, les regards de nos amis, les visages de nos voisins. Que comprenons-nous des résultats d’un vote ? Que savons-nous de notre pays ? Qu’interprétons-nous du journal que nous lisons ou de l’émission que nous regardons ? Que voulons-nous interpréter de ce que les autres nous disent ou ne nous disent pas ? Combien d’erreurs commettons-nous, faute d’avoir su interpréter la société dans laquelle nous vivons ?
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