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Radio RCJ: Les nouvelles générations ne savent-elles pas, elles non plus, penser la contradiction ?

Dernière mise à jour : 3 août 2021


Cette chronique est présentée par Gabrielle Halpern chaque mardi dans le journal de 12h sur la radio RCJ et vous offre un regard philosophique sur l'actualité.



Récemment, l’UNEF a déclaré organiser des réunions non-mixtes réunissant seulement des personnes ayant la même couleur de peau. Comment avons-nous fait pour en arriver là ? Il ne s’agit pas d’un épiphénomène, - il ne faudrait surtout pas le considérer ainsi -, mais d’une lame de fond qui tend à se déployer. Mais quels sont ses ressorts ?


Qu’est-ce qui nous pousse sans cesse à l’entre-soi et à la consanguinité ? Nous pourrions appeler cela « la pulsion d’homogénéité ». Concrètement, cette pulsion nous conduit à ne fréquenter que des gens qui nous ressemblent, à ne nous intéresser qu’à ce que nous connaissons déjà, à ne nous abonner sur les réseaux sociaux qu’à des comptes correspondants au nôtre et ainsi construisons-nous autour de nous une bulle homogénéisante. Cette pulsion, qui peut rassurer et donner un sentiment de protection, est en chacun d’entre nous et il est difficile de lui résister. C’est un travail de tous les jours ; une pierre de Sisyphe qu’il faut sans cesse hisser jusqu’au sommet de la montagne ! Intrinsèquement, à cause de notre terreur de l’incertitude, nous avons une incapacité à assumer pleinement et naturellement la singularité, la diversité, l’altérité. Et ainsi aboutissons-nous à ceci : l’émergence de communautés fondées sur un principe d’identité et dont les membres sont donc identiques les uns aux autres. Tout élément, toute personne, toute idée hétéroclite ou hétérogène, est repoussé et rejeté. Les nouvelles générations ne savent-elles donc pas, elles non plus, penser la contradiction ?


Dans son livre « Entre le cristal et la fumée », le biologiste et philosophe, Henri Atlan parle du « danger mortel » qu’il y a à « supprimer le premier terme de la contradiction (et donc la contradiction elle-même), c’est-à-dire s’installer définitivement, s’arrêter, se rapetisser aux seules dimensions d’un particularisme aliénant ». Ce ne sont pas les nouvelles technologies qui augmenteront l’être humain, ce sera sa capacité à assumer la contradiction ! Nous assistons à une dangereuse tendance à l’identitarisation.


Oui, demain, si nous n’y prenons pas garde, tout sera identité, tout sera revendiqué comme une identité. Ce sera le temps des fractures, le temps de la grande lutte des identités. Nous n’avons pas encore pris toute la mesure de cette nouvelle idéologie. N’est-ce pas le moment de remplacer notre principe d’identité par un principe d’altérité ?


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