Cette chronique est présentée par Gabrielle Halpern chaque mardi dans le journal de 12h sur la radio RCJ et vous offre un regard philosophique sur l'actualité.
« Nous avons beau développer les technologies les plus sophistiquées et déployer un monde qui n’a plus grand-chose à voir avec celui de Platon, de Kant ou de Rousseau, nous demeurons face aux mêmes interrogations sur la vie, sur la souffrance, sur notre relation à nous-mêmes et aux autres, sur le bonheur, sur la mort ou sur le mal. Ces questions sont insolubles, ou plutôt il appartient à chaque génération d’y réfléchir et à chacun d’entre nous, philosophe ou non, de s’y confronter.
Le philosophe René Descartes disait que lire les anciens écrivains ou philosophes était semblable à « une conversation avec les plus honnêtes gens des siècles passés ». Cette conversation a quelque chose de rassurant, car elle nous apprend que personne n’est seul face à son chagrin, ses doutes ou ses contradictions. C’est être humain que de les vivre et lire les anciens philosophes permet non pas de diminuer une douleur ni de réduire une angoisse, mais de prendre conscience que toute la communauté humaine en est solidaire.
Sénèque, de son côté, affirmait que : « Aucun siècle ne nous est interdit, nous avons accès à tous (…). Nous pouvons discuter avec Socrate (…), vivre en repos avec Epicure, vaincre la nature humaine avec les Stoïciens, la dépasser avec les Cyniques (…). Nul d’entre eux ne te contraindra à mourir, mais tous t’enseigneront comment on meurt ; ils n’épuiseront pas tes années, mais ils ajouteront les leurs aux tiennes (…). Tu prendras d’eux tout ce que tu voudras ; et il ne dépendra pas d’eux que tu n’y puises autant que tu le désires (…). Les grands esprits constituent de véritables familles ; choisis celle où tu veux être admis (…). Ces grands hommes te conduiront à l’éternité »[1].
Ces brillants esprits nous apprennent l’humilité ; les étudier régulièrement est un rappel salutaire contre toute forme d’arrogance. Aujourd’hui, comme hier, il nous faut continuer à penser ce qui nous entoure et penser ce qui vient. Concernant les nouvelles technologies par exemple, il ne s’agit pas de savoir si ceci ou cela est bien ou mal, mais de comprendre ce qui est en jeu, pourquoi l’être humain éprouve le besoin de développer ces outils et ce que cela dit de lui. En somme, c’est en pensant les nouvelles technologies, ainsi que notre relation avec elles, que nous allons décider de notre conception de l’être humain. Quels êtres humains voulons-nous être ? Quels êtres humains allons-nous laisser les nouvelles technologies faire de nous ? La philosophie est partout et doit s’instiller partout ».
[1] De la brièveté de la vie, La Pléiade, p. 713.
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