La philosophe Gabrielle Halpern a publié dans Les Échos une tribune dans laquelle elle partage sa vision de l'intelligence artificielle, et plus précisément de l'intelligence artificielle générative. L'IA remplacera-t-elle tous les métiers? Comment l'IA générative va-t-elle nous transformer?
"L’intelligence artificielle progresse de jour en jour et rend de plus en plus caduques les
discours commençant par « les nouvelles technologies ne pourront jamais… », provoquant
ainsi une véritable interrogation eu égard au remplacement des êtres humains dans la
réalisation d’un certain nombre croissant de tâches. Aurons-nous encore besoin de directeurs
du marketing, de juristes, de philosophes, de peintres, de comptables, de journalistes ou
encore d’écrivains ? Tous ces métiers vont-ils disparaître ?
Si l’on regarde l’intelligence artificielle générative de près, on constate qu’elle tire sa force de
sa capacité à maîtriser un nombre inouï de données et de probabilités, à les traiter rapidement et à nous en fournir un condensé. A moins d’avoir une mémoire absolue, aucun juriste humain ne pourra jamais rivaliser dans l’assimilation d’un aussi grand nombre de données ; ainsi en est-il de nombreux autres métiers nécessitant notamment un corpus de savoirs. De même, jamais aucun artiste ni aucun écrivain ne pourra concurrencer la profusion et la vélocité de l’intelligence artificielle générative quant à la production de textes ou d’images.
Cependant, nous pouvons nous interroger sur la valeur de cette production et, en creux, nous
interroger sur celle de nos productions actuelles, en tant qu’êtres humains. En effet, si l’on
prend comme exemple le métier de chercheur, cette profession est malheureusement trop
souvent évaluée selon le nombre de ses publications d’article dans des revues scientifiques
prestigieuses, ce qui pose une vraie question quant au rôle du chercheur dans la Cité, quant à
la diffusion de ses travaux au plus grand nombre et quant à la relation entre la science et la
société. A partir du moment où une intelligence artificielle générative est capable de produire
très rapidement un nombre élevé d’articles de recherche, cela rend-il le métier de chercheur
caduque ou au contraire, cela ne constitue-t-il pas une salutaire remise en question des critères d’évaluation à travers lesquels on considère ces professionnels, et donc du sens dénaturé de leur métier ? De fait, l’intelligence artificielle apparaît comme une sorte de révélateur d’angles morts, de non-dits ou de failles de notre manière de procéder..."
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